L'Attrapeur et le Poursuiveur [RP PV Conrad - Leo]

Ce matin-là, à la table du petit-déjeuner, persuadé d'obtenir une réponse négative, Leo avait vaguement demandé à son grand-père, presque nonchalamment, l'autorisation de passer la journée sur le Chemin de Traverse. Quand ce dernier accepta, le jeune garçon en fut si surpris que maintenant qu'il foulait les pavés de Londres, il n'avait aucune idée de ce qu'il allait faire de la journée.

*Enfin, c'est toujours mieux que de passer la journée dans ma chambre...* soupira le blondinet, tête basse et mains dans les poches en shootant dans un cailloux qui gisait là.

Il faut dire que le Serdaigle n'était pas d'humeur. Pour commencer, comme depuis le tout premier jour du mois de juillet, le temps était gris et maussade. Il avait quitté l'Écosse quelques minutes plus tôt, et pourtant, pas un seul petit degrés supplémentaire ici, dans le sud du Royaume-Uni. Ensuite, il n'avait pas reçu de nouvelles de son père de tout l'été. Il restait encore un bon mois, et quelque part Leo en connaissait et en comprenait les raisons. Mais l'attente était pesante, et cela allait bientôt faire deux mois. Bien-sûr, leur correspondance avait déjà était interrompue plus longtemps que cela - la plus grande intervalle avait été de cinq longs mois.

* Pas de nouvelle, bonne nouvelle ! * essayait-il de se convaincre.

Soudain, la pluie se mit à tomber. Le genre de vraie trombe qui accompagnait souvent l'orage.

* Manquait plus que ça ! J'ai bien choisi mon jour on dirait ! *

Pestant comme l'écossais qu'il était, Leo remonta sa capuche et se réfugia dans la première boutique à proximité. Accessoire de Quidditch. Ben tiens !

Le garçon soupira légèrement, sans vraiment de raison apparente. Il se demandait surtout ce qu'il allait bien pouvoir faire là-dedans maintenant qu'il était entré... Évidemment, comme tous les sorciers, Leo appréciait ce sport. En réalité, ce qu'il préférait dans les matchs officiels de l'école, c'était que pendant que tous les autres élèves et professeurs hurlaient dans les gradins ou sur le terrain, le reste du château était totalement désert. Et donc totalement tranquille. Ses moments préférés.

Pourtant, le Bleu et Bronze aimait tout de même se trouver sur un balai et jouer. Mais juste jouer pour s'amuser, sans rien d'autre à la clé que d'avoir passé un bon moment. La compétition, ce n'était pas pour lui. D'ailleurs, il était un piètre attrapeur. Non pas qu'il manquait d'agilité ou de rapidité, bien au contraire. Non, il lui manquait juste un brin de concentration. Un brin long comme l'équateur et épais comme la croûte terrestre. Quand il jouait, il passait son temps à virevolter au-dessus du terrain, perdu dans ses pensées, toujours plus près de la Lune que du Vif d'Or. C'était bien souvent ses propres coéquipiers qui lui indiquaient la direction du précieux sésame doré. Il n'y avait donc rien d'étonnant à ce que Leo n'ait jamais tenté d'être dans l'équipe officielle de sa maison. Le contraire serait d'ailleurs incroyable.

Déambulant avec son flegmatisme ordinaire entre les rayons, le blond se demandait s'il n'allait pas s'offrir un petit Vif d'Or pour occuper ses mains pendant ses lectures, quand il tomba sur le mur recouvert de dizaines de modèles de balais. Et devant eux, se trouvait, en pleine réflexion, un élève de Poudlard que Leo connaissait vaguement. Il avait un an de plus que lui, et se trouvait dans la maison Poufsouffle. Comme il n'y avait pas l'air d'avoir d'autres personnes autour d'eux (les rues et les magasins étaient déserts, ces temps-ci...) et que malgré tout l'adolescent avait été bien élevé, il salua son camarade.

Salut, Conny, lâcha-t-il simplement avec une pointe de détachement et un regard légèrement fuyant.

Leo eût d'abord un temps de recul, fronçant légèrement les sourcils. Conrad n'était qu'une connaissance, et il agissait comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Une fois la surprise passée, le blondinet répondit par un sourire, pensant que décidément, ces Poufsouffles méritaient bien leur réputation en matière de convivialité.

Oh, ouais, ça va, répondit-il en haussant les épaules. Et à vrai dire, c'est la pluie qui m'amène ici. Enfin, maintenant que je suis là, j'irais peut-être jeter un coup d’œil aux Vifs d'Or, s'ils en vendent d'occasion des pas trop... vifs, justement. Et toi ? T'es là pour admirer ou pour acheter ? Parce que sinon, la salle de Quidditch du Musée de la Magie a un bien meilleur présentoir...

Le ton d'ironie qui clôturait son intervention dévoilait clairement le caractère rhétorique de la question de l'élève de Serdaigle. Il n'attendit d'ailleurs pas de réponse, et désigna vaguement de sa main gauche un des balai se trouvant sur la troisième ligne de l'étalage.

J'en ai un comme ça, de Comète. Ils sont pas mal, pourtant le mien a déjà plus de dix ans. T'es poursuiveur toi, non ? Après, ça dépend combien tu veux mettre dedans. Depuis trois ans qu'il est sorti, le Nimbus 1000 n'en a pas un autre lui arrivant à la cheville, mais ça coûte bien les quatre sabots d'une licorne. Sinon y'a la catégorie Brossdur qui reste dans le top avec les Comète. Je serais assez tenté par un Brossdur si je pouvais changer de balai, mais à ton poste, le sortilège de Freinage sur Comète est capital. Enfin évidemment, ça dépend aussi du genre de jeu que tu cherches. Mais on n'achète pas un balai neuf pour faire du Quidditch amateur. Tu tente ta chance chez l'officielle des Poufsouffle cette année ?

Et voilà qu'il recommençait. Leo ne pouvait pas s'empêcher de se taire et de faire des raisonnements à voix haute. Le tout, en affichant un sourire vainqueur. S'il n'était pas doué en Quidditch, au moins il savait jouer aux devinettes. Ce qui est plutôt pratique quand on doit répondre à une énigme pour accéder à sa salle commune.

Si le Poufsouffle s'était montré plus chaleureux que Leo dès le premier abord, il était largement moins bavard. Au moins, il était clair et précis, là où le blondinet, et on le lui reprochait souvent, partait continuellement en digression, voir dans d'interminables discours. Mais il fallait bien l'avouer, le Serdaigle adorait perdre ses interlocuteurs en cours de route. Les réactions lui faisait parfois piquer des fous-rires intérieurs.

Pourquoi tu ne serais pas pris ? Y'a pas de raison, t'es plutôt bon. C'est pas comme si tu jouais avec les vrais amateurs. Enfin, par vrais, j'entends surtout les plus nuls, ceux qui réinventent les règles en cours de route, jusqu'à même parfois compter comme demi-but les Souafles qui passent entre deux anneaux... et qu'au moment de rentrer, la Bambach râle encore qu'on a pas encore été foutu de terminer la partie et qu'on lui a perdu le troisième Vif d'Or de la semaine. Au final c'est pas franchement du Quidditch, mais on s'amuse bien, conclut le Serdaigle dans un sourire énigmatique. Pour ce qui est du Vif d'Or, continua-t-il d'un air détaché, y'a franchement rien d'indiscret. Ce serait plus pour la déco, tu sais, juste un petit truc qui se balade dans la chambre... et occupe le chat.

Jetant de nouveau un coup d’œil aux balais avant de jauger son camarade, Leo finit par demander :

Alors, tu t'es décidé ? Parce que si t'attends la sortie du prochain Nimbus pour que le prix de celui-là baisse, on sera encore là dans dix ou vingt ans.

Visiblement, le Poufsouffle était arrivé dans la boutique de la même manière que Leo : un peu par hasard, sans trop de conviction, juste parce qu'il n'avait pas trouvé mieux à faire. C'est avec son flegmatisme qui lui était presque propre que le blondinet répondit positivement à l'invitation de Conrad pour changer de rayon et s'y rendit, mains dans les poches et visage placide.

Arrivé au bon endroit, des petites boites entassées les unes à côté ou au-dessus des autres s'agitaient : la taille et la façon dont elles vibraient ne laissaient aucune place au doute, c'était bien les Vifs d'Or. Évidemment, il y avait aussi le fait que les motifs décorant ces boites étaient des petites boules jaunes dotées de fines et grandes ailes... Leo soupira.

Ce sont tous des neufs, c'est cher et puis ça s'agiterait trop vite, ce serait plus énervant que relaxant... Un Cognard serait plus efficace pour s'endormir, mais je ne pense pas que ma famille serait enchantée d'avoir à supporter les vibrations qu'il ferait en se balançant contre les murs. Cela dit, c'est vrai que ce serait tentant de prendre un lot de ces bestioles et de les laisser décompresser dans la maison...

Un petit sourire se dessina dans les yeux et au coin des lèvres du Serdaigle. Dès l'instant où cette idée se mit en image dans sa tête, le concept l'enchanta. Le mettre en pratique était attrayant, mais la réalisation, ou plutôt sa potentialité à triompher était décourageante. Il restait encore un mois à supporter l'austérité du manoir maternel et il avait déjà subi plus de remontrances qu'en une année à Poudlard. Ce qui n'était pas peu dire étant donné sa capacité presque surréaliste à accumuler les retenues. Laisser des Cognards se défouler sur sa famille était donc certes très plaisant dans l'hypothèse, mais dans la pratique, cela risquait fort de lui retomber dessus, et pas dans la dentelle. Il abandonna donc tout espoir de vengeance en secouant légèrement la tête, sans pour autant effacer de sa figure ce curieux sourire énigmatique.

Il m'en faudrait un d'occasion, reprit-il plus sérieusement. Enfin pas un hors de prix qui aurait été attrapé par je-ne-sais-quel-champion au match ô combien mythique de je-ne-sais-quel-championnat, juste un vieux machin un peu fatigué... En fait, je ne sais même pas si ça se vend. T'as pas une idée d'où je peux en trouver ? Faudrait peut-être demander au vendeur...

L'air dubitatif, l'écossais scruta les rayons autour de lui, du sol au plafond. Peut-être justement qu'un de ces Vifs d'Or un peu usé pourrait être en train de virevolter tranquillement dans le magasin ?

Leo sourit en voyant Conrad se démener pour lui. S'il avait été seul, le Serdaigle n'aurait jamais été demander quoi que ce soit au vendeur : le vieil aigri n'était vraiment pas le genre de personne avec qui on avait envie d'échanger quoi que ce soit. Il y avait deux explications à ce geste de dévouement : soit le Poufsouffle n'était pas au courant, soit il était vraiment... Poufsouffle.

Une fois le vendeur reparti fouiller dans sa réserve, c'était au plus âgé des deux garçons d'afficher un sourire vainqueur. Le blondinet se mit un peu à rire, moitié moqueur envers son camarade qui venait de se faire agresser par le commerçant, moitié amusé de leurs réactions réciproques.

- C'est cool, Conny, merci, gratifia Leo en donnant une légère tape sur l'épaule du jeune homme. Et toi alors ton balai ? Parce que tout à l'heure tu disais le prendre plus tard, à croire que t'as été élevé chez les moldus. T'as jamais entendu parler de livraison par hibou-express ? Si tu veux pas t'encombrer avec, tu peux le récupérer direct à Poudlard au petit-dej' en même temps que les emplois du temps, ou n'importe quand d'autre, d'ailleurs. Faudra juste voir avec le... avec ton nouvel ami le vendeur, termina l'écossais avec une touche d'ironie en réprimant un rire.

Prêtant plus d'attention à l'accoutrement de Conrad, Leo remarqua que ce qu'il avait pris à première vue pour une robe bizarrement façonnée, était en fait visiblement quelque chose de moldu. Du moins, c'est ce qu'il en déduisit étant donné qu'il n'avait jamais vu quoi que ce soit de cet acabit auparavant. Il se rendit compte alors que le Poufsouffle était peut-être bien un né-moldu, ou alors un sang-mêlé, mais vivant probablement proche de ceux qui n'ont pas de pouvoirs magiques. L'idée d'avoir un ami que désapprouverait totalement sa famille sans pour autant pouvoir l'avouer lui plut énormément, et le sourire sur le visage de Leo se fit de plus en plus large. Et puis, ce n'était pas comme s'il allait se servir de ce nouvel ami, parce qu'il lui apparaissait vraiment sympathique. Surtout que rien ne disait vraiment si sa famille allait le désapprouver : après tout, si le Poufsouffle était du genre bon élève et exemple à suivre, il était probable que ses tuteurs tolèrent un sang-mêlé si cela mettait fin (ou du moins permettait de tempérer) à la réputation d'élève insolent et perturbateur que Leo avait ancré dans les murs de l'école dès sa première année à Poudlard. Mais le garçon n'avait aucune idée des origines de ce nouvel ami. En réalité, il s'en fichait totalement, ce n'était pas important pour lui. Mais s'il pouvait faire d'une bavboule deux coups...

Le vendeur revint, sa mine déconfite naturelle, une petite boite ternie et poussiéreuse à la main. Ignorant Conrad qui avait pourtant formulé la demande, il s'adressa directement à Leo :

- C'est toi le gamin qui veut d'un Vif d'Or inutile ?

Le Serdaigle haussa un sourcil avant d'acquiescer et tendit la main pour pouvoir jauger la marchandise. Le boutiquier la lui envoya, et heureusement, le blondinet eut le réflexe de le rattraper, à la limite de la chute. Le vendeur ricana en marmonnant quelque chose qui ressemblait à "et ça se prétend attrapeur...!" mais Leo l'ignora et ouvrit la boîte. Le Vif qui se trouvait à l'intérieur sortit promptement et fit quelques virées rapides avant de s'essouffler et de tournoyer paresseusement au-dessus de la tête des trois personnes présentes dans la boutique. L'intéressé sourit de plus bel et tendit la main pour attraper la petite balle. Les ailes se rétractèrent, et le jeune garçon annonça d'un air joyeux :

- Il est parfait ! Je l'prends !

Tous se dirigèrent vers le fond de la boutique, où se trouvait la caisse. Leo râla légèrement quand le commerçant lui indiqua le prix de quatre gallions ("Mais vous avez qualifié vous-même ce Vif d'inutile !"), mais paya tout de même son dû, avant de se retourner vers son nouveau camarade :

- Tu fais quoi finalement pour ton balai, t'as pris ta décision ? Parce qu'en plus, si t'as un coffre à Gringotts, t'es même pas obligé de sortir tes gallions maintenant.

[RP terminé]